Pour pouvoir se consacrer pleinement à la fabrication, Christophe s'était associé avec Eric Berthelot (gestionnaire) et Alain Grégoire jeune vosgien très doué en vernissage qui lui avait été présenté par Thierry Carrel. Dominique Caillierez était aussi venu de Lyon.
La Sàrl "Société Instrumentale" fut constituée en Juillet 81 et l'installation n'a pas été très facile. Après deux mois de travaux d'aménagement, il a fallu isoler la toiture, déshumidifier le bâtiment depuis longtemps inoccupé, fabriquer les gabarits d'usinage, aménager les postes de travail et former le personnel.
Les premières séries furent prêtes à la fin de l'année, distribuées par SMI qui avait exposé les prototypes lors du salon de Vincennes en Septembre. En 82 une dizaine de personnes travaillaient dans deux mille mètres carrés d'atelier au milieu des sapins, des machines partout, d'énormes piles d'érable, d'aulne et de noyer s'entassaient vers le séchoir et des chariots de guitares en cours de fabrication attendaient près des machines. Les gros tuyaux de la centrale d'aspiration contournaient l'arbre de transmission qui permettait autrefois de faire tourner les machines textiles. Chaque mois 80 instruments étaient fabriqués.
Les "D3" et les "Clean" sont des guitares à manche conducteur, les premières à proposer de série les maintenant fameux micros Seymour Duncan, les basses "BD3" étaient déjà disponibles en 4, 5 ou 6 cordes, frettés ou fretless. Presque tout était fabriqué sur place, les cordiers et les boutons de potentiomètre en bronze, les entourages de micro guitare et les capots de micro basse. Les séries "2" arrivèrent fin 82 avec la D2 (version light de la D3 avec touche palissandre, pièces chromées, cornes arrondies et micros Schaller) et la BD2 (manche vissé, pièces chromées et micros Schaller).
En 83 furent fabriquées dix "Invader" ces guitares-fusée sans tête dont le corps est formé de deux tubes métalliques parallèles, elles furent offertes aux dix meilleurs revendeurs français.
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Le démarrage de l'entreprise plus long que prévu avait vulnérabilisé l'entreprise. Le blocage des prix de 83 lui fut fatal, et dans les premiers mois de 84 Christophe Leduc et ses associés furent contraint de revendre le fruit de ces trois années de travail. Dominique et Alain rejoignirent Nicolas Petibon à Paris, pendant que Christophe suivit l'entreprise que Patrick Pepato avait acquise et transférée à Rombas en Moselle.
Carlos :
Parles moi un peu de tes principaux modèles.
Christophe :
A mon sens le premier d'importance est la guitare que j'ai faite pour Jello, de Starshooter. Toute blanche, avec des filets noirs et blancs, la tête ressemblait aux Gibson Mark et le corps à la L.P. double cut-away, avec un micro P90 et un seul volume. Ensuite on passe presque directement à la D3 et la BD3.
Carlos :
D3, n'était-ce pas un vilain jeu de mots avec la ville de Detroit?
Christophe :
Oui! Je voulais faire deux versions sur la même forme, une avec un son bien droit et l'autre plus Rock. La seconde s'est appelée D3, et comme je n'ai pas trouvé de nom assez bien pour la première, on l'a simplement baptisée Clean. Ce qui m'amuse sur ce modèle est que sa forme est presque entièrement mathématique. Il s'agit au départ de trois paraboles tangentes, inscrites dans un triangle équilatéral. Puis, par des transformations géométriques simples, on déforme l'un des "coins" pour créer les deux cornes successivement. On obtient ainsi aisément une ligne très harmonieuse dont chaque courbe découle naturellement de toutes les autres. La BD3 au contraire, a été dessinée à la main car je n'avais pas de critères préalables concernant cette forme. Cette méthode est plus fastidieuse mais laisse plus de champ à l'imagination
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